Cette estampe japonaise ouvre une série de 36 vues du mont Fuji (plus 10) publiée en 1830-31 et dessinée par un maître de l’ ukiyo-e  ou « image du monde flottant »  : Katsushika HOKUSAI (1760-1849) [1]

Intitulé « Kanagawa-oki nami-ura » en japonais, le mouvement de la vague se fait dans le sens de l’écriture japonaise c’est-à-dire de droite à gauche. La couleur employée est un bleu de Prusse, découverte par hasard (par sérendipité [2]) au début du XVIIIe siècle à Berlin par le chimiste Georg Ernst Stahl (1659; 1734). Le bleu de Prusse est également utilisé comme médicament chez certains animaux exposés à la radioactivité.

A l’occidental cela donnerait un mouvement de gauche à droite comme ce dessin de Victor Hugo dans les travailleurs de la mer écrit en exil à Guernersey [3] et publié en 1866.

Victor Hugo dans les travailleurs de la mer

Hokusai utilise l’effet de perspective des occidentaux et inversement il a inspiré des impressionnistes comme Manet et même un compositeur comme Debussy.grande vague premier plan La petite vague au premier plan a la même forme que le plus haut sommet du Japon, la montagne sacrée, le Fuji-san en arrière plan. Depuis 2013, le mont Fuji est non seulement classé comme « lieu sacré » à l’UNESCO mais également comme « source d’inspiration artistique ».

L’écume est une parabole de la neige ou encore des cendres volcaniques du volcan.

grande vague détail Fuji

L’eau (et le feu pour les occidentaux) est le trait d’union entre le volcan et le dragon ( faiseur de pluie en Asie) qui semble se matérialiser avec ses griffes acérées ou comme l’aigle et ses serres à une autre échelle et qui renforce l’impression de puissance des éléments – de la nature – face à la fragilité de la vie représentée par les frêles marins dans leurs barques.

grande vague dragon et aigle

Le centre de la vague est au centre du dessin comme un axe de rotation d’une spirale infernale ou un tourbillon vertical. Malgré l’instantanée de la scène, on a aucun mal à imaginer la continuité du mouvement de ces embarcations de pêcheurs pris au creux de la vague comme pris par la spirale de la vie dans ce pays rythmé par des catastrophes naturelles :  tsunami (mot d’origine japonaise) et ouragan pour le monde fluide mais aussi séismes et éruptions volcaniques pour le monde chtonien.

grande vague continuité

Enfin, le yin-yang apparaît entre la partie aérienne de la vague et celle en contact avec la terre, entre le lumineux et les forces obscures du monde sous-marin et du monde souterrain (pas étonnant qu’on la retrouve dans les catacombes sous Paris [4]). En réalité il y a là , toute l’opposition du caractère éphémère des choses du bouddhisme à celui de la toute puissance de la nature du shintoïsme spécifique au Japon.

grande vague yin yang

NB: Cette célèbre estampe illustre souvent le « tsunami », terme japonais du reste, mais elle ressemble plus à une vague scélérate.

[1] Hokusai : l’artiste champion des éléments 

[2] Les éléments et la sérendipité

[3] Victor Hugo : l’exilé sur son rocher

[4] « Quarry art » dans les pittoresques catacombes-sous-Paris

grande vague couleur