« Et désormais, chargés du seul fardeau des âmes,

Pauvres comme le peuple, humbles comme les femmes,
Ne redoutez plus rien. Votre église est le port !
Quand longtemps a grondé la bouche du Vésuve,
Quand sa lave, écumant comme un vin dans la cuve,
Apparaît toute rouge au bord,

Naples s’émeut ; pleurante, effarée et lascive,
Elle accourt, elle étreint la terre convulsive ;
Elle demande grâce au volcan courroucé ;
Point de grâce ! un long jet de cendre et de fumée
Grandit incessamment sur la cime enflammée
Comme un cou de vautour hors de l’air dressé.Soudain un éclair luit ! hors du cratère immense
La sombre éruption bondit comme en démence.
Adieu le fronton grec et le temple toscan !
La flamme des vaisseaux empourpre la voilure,
La lave se répand comme une chevelure
Sur les épaules du volcan.Elle vient, elle vient, cette lave profonde
Qui féconde les champs et fait des ports dans l’onde !
Plages, mer, archipels, tout tressaille à la fois.
Ses flots roulent, vermeils, fumants, inexorables,
Et Naples et ses palais tremblent plus misérables
Qu’au souffle de l’orage une feuille des bois !Chaos prodigieux ! la cendre emplit les rues,
La terre revomit des maisons disparues,
Chaque toit éperdu se heurte au toit voisin,
La mer bout dans le golfe et la plaine s’embrase,
Et les clochers géants, chancelant sur leur base,
Sonnent d’eux-mêmes le tocsin !Mais — c’est Dieu qui le veut — tout en brisant des villes,
En comblant les vallons, en effaçant les îles,
En charriant les tours sur son flot en courroux,
Tout en bouleversant les ondes et la terre,
Toujours Vésuve épargne en son propre cratère
L’humble ermitage où prie un vieux prêtre à genoux !

10 août 1830″

Victor Hugo dans « Les chants du crépuscule –Dicté après juillet 1830-VII »

Victor Hugo 1830
Victor Hugo en 1830 (Archive BNF)

Image à la Une archive BNF (1839)

Vésuve 1870
Visite du Vésuve au XIXe siècle (Archive BNF)

Voir aussi Victor Hugo: l’exilé sur son rocher

et le Vésuve selon Strabon et Dumas

et Le mont Somma-Vésuve en 79